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Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 16 déc. 2016 17:27
par Gérard-Breton
Bonjour à tous,

Il y a une semaine, sur le pignon d’une maison dans le sud de la Sarthe, un beau (et rare) soleil de fin d’automne met en relief, en formant une ombre, une sorte de paquet de boue que nous n’avions pas remarqué jusque-là.
L-8232 Nid Delta unguiculatum  mur E PB 72 Chenu 091216.jpg
L-8232 Nid Delta unguiculatum mur E PB 72 Chenu 091216.jpg (168.15 Kio) Vu 9534 fois

Je pense à un nid de guêpe maçonne Delta unguiculatum, dont l’adulte – une très belle guêpe – a été illustré dans le fil http://www.lenaturaliste.net/forum/view ... 139#p19139.

Le soleil a disparu derrière les nuages, le crépuscule menace, mais je décide quand même, l’échelle étant sortie, de grimper à 5 m de hauteur pour voir de plus près.
L-8241 GB nid guêpe maçonne Chenu 091216.jpg
L-8241 GB nid guêpe maçonne Chenu 091216.jpg (85.43 Kio) Vu 9532 fois
Voire même essayer de prendre une photo !
L-8244 GB nid guêpe maçonne Chenu 091216.jpg
L-8244 GB nid guêpe maçonne Chenu 091216.jpg (86.96 Kio) Vu 9533 fois
L’inconfort du perchoir et la luminosité déclinante font que les photos sont un peu floues, ce que vous excuserez, je pense. Malgré la présence de nymphes, ce que nous verrons plus tard, ce n’est cependant pas du David Hamilton !

Le nid mesure un peu plus de cinq centimètres de hauteur.
L-8234 Nid Delta unguiculatum  mur E PB 72 Chenu 091216.jpg
L-8234 Nid Delta unguiculatum mur E PB 72 Chenu 091216.jpg (138.23 Kio) Vu 9532 fois
A suivre

Gérard Breton

Re: Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 16 déc. 2016 17:39
par Gérard-Breton
A l’aide d’une lame de scie à métaux, je l’ouvre. Il montre trois loges. Les deux loges du bas sont tapissées par un cocon de soie, celle du haut non.
L-1378 Nid Delta unguiculatum  mur E PB 72 Chenu 091216.jpg
L-1378 Nid Delta unguiculatum mur E PB 72 Chenu 091216.jpg (86.02 Kio) Vu 9525 fois
Le premier et le second cocon, vraisemblablement tissés par la larve, contiennent chacun une nymphe, ou au moins une larve en cours de nymphose. A l’extérieur du cocon, un paquet de petites crottes (de la larve), et une chenille momifiée.
contenu de la première loge
contenu de la première loge
L-913 nymphe Delta unguiculatum loge 1 mur E PB 72 Chenu 091216.jpg (89.57 Kio) Vu 9525 fois
contenu de la seconde loge
contenu de la seconde loge
L-915 nymphe Delta unguiculatum loge2 mur E PB 72 Chenu 091216.jpg (86.75 Kio) Vu 9526 fois

Par contre, la loge du haut contenait bien une chenille momifiée, quelques crottes, mais point de nymphe, ni de reste visible de nymphe.
L-8249 Nid Delta unguiculatum carrée  mur E PB 72 Chenu 091216.jpg
L-8249 Nid Delta unguiculatum carrée mur E PB 72 Chenu 091216.jpg (172.67 Kio) Vu 9524 fois
Par contre, une pupe que je pense appartenir à un diptère.

contenu de la troisième loge
contenu de la troisième loge
L-916 Nid Delta unguiculatum loge 3 mur E PB 72 Chenu 091216.jpg (68.91 Kio) Vu 9528 fois
Que conclure ? Que les larves se nourrissent bien des chenilles mises par la mère dans chaque loge du nid, et que l’unique chenille de la loge suffit à nourrir la larve jusqu’à sa nymphose. Que les larves se tissent un cocon de soie qui n’englobe ni les crottes ni le cadavre de la chenille juste avant la nymphose. Enfin qu’un diptère vient s’immiscer dans le couple guêpe – chenille.
La larve de guêpe de développe exclusivement aux dépens de la chenille. C’est une relation à long terme donc de type parasitaire et non pas une relation de prédation. Mais à la fin du développement de la larve de guêpe, la chenille meurt. La guêpe est donc un parasitoïde (rappel : un parasite ne tue pas, sauf exception, sa proie). Mais la petite pupe, supposée de diptère, semble avoir éliminé la larve de guêpe, c’est donc le parasitoïde d’un parasitoïde, cela pourrait être un cas d’hyperparasitoïde. Berland (1928) [Faune de France, 19, Hyménoptères Vespiformes II] cite comme parasite d’Eumenes unguiculata (= Delta unguiculatum) Chrysis ignita, qui est un hyménoptère Chrysididae. Le seul diptère parasite d’Eumenidae cité par cet auteur est Toxophora maculata, un Cecidomyiidae, hyperparasitoïde de Eumenes pomiformis.

En résumé, nous avons affaire à un cas d’hyperparasitoïde très probable, sans pouvoir identifier le diptère hyperparasitoïde.

Cordialement

Gérard Breton

Re: Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 16 déc. 2016 20:47
par YVES50
Bonsoir,
C'est un reportage remarquable !
Attention cependant aux échelles instables, Gérard.

Re: Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 16 déc. 2016 21:08
par Gérard-Breton
Merci de ton appréciation, Yves.

Cordialement

Gérard Breton

Re: Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 17 déc. 2016 07:37
par PierreM
Hello

Passionnant...
Gérard-Breton a écrit : ...
En résumé, nous avons affaire à un cas d’hyperparasitoïde très probable, sans pouvoir identifier le diptère hyperparasitoïde.
...
La pupe pourrait-elle donner naissance à ce fameux diptère hyperparasitoïde ?

Amicalement
Pierre M.

Re: Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 17 déc. 2016 10:33
par Gérard-Breton
Bonjour à tous,

Pierre M, je crains que la pupe n'éclose jamais : tout le matériel recueilli est dans l'alcool !

C'est en rédigeant le post d'hier que je me suis dit - trop tard - qu'on aurait peut-être pu mettre au moins la pupe en élevage pour voir.

Pour tout dire, je m'intéressait, au moment où j'ai pris les photos (Yves, rassure-toi, l'échelle était bien calée !) aux questions de nomenclature et de définitions touchant les notions suivantes : symbiose, commensalisme, amensalisme, parasitisme et parasitoïdes, dans le cadre de la préparation d'une intervention "symbiotes et parasites d'hier de d'aujourd'hui" où je vais parler de mes deux dadas, la biologie marine et la paléontologie. Ce nid de guêpe maçonne tombait donc plutôt bien. Quand j'ai mis la pupe dans l'alcool, avec les nymphes et les momies de chenilles, j'ai imaginé qu'il suffirait de regarder la bibliographie pour avoir la réponse !

Je dois avoir conservé une certaine naïveté ...

Cordialement

Gérard Breton

Re: Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 17 déc. 2016 12:18
par Daniel
Bonjour,
bravo pour le reportage acrobatique qui nous fait découvrir l’existence de diptères parasitoïdes d'hyménoptères mème si c'est rageant de ne pas aller plus loin.

Je connaissais déja grace à des observations à l'occasion d'élevages, des parasitoïdes de papillons: il m'est arrivé autrefois d'obtenir en élevage des hyménoptères Apanteles ou des diptères tachinaires!

Le meilleur exemple d'hyperparasitisme est donné par les galles du bédégar. La encore je me souviens d'un élevage ancien d'une galle qui avait donné, non seulement des hôtes normaux de la galle, hyménoptères du genre Cynips, mais aussi une demi douzaine d'espèces de petites guèpes hyperparasites .

Souvent on pense qu'il n'y a qu'un parasite d'un groupe par espèce et on identifie l’hôte pour connaitre le parasite.
Mais chez les parasitoïdes, c'est bien moins spécialisé, c'est plus complexe et rien ne vaut l'élevage pour identifier une espèce qui s'est attaquée mème à un hôte connu...

Re: Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 17 déc. 2016 13:01
par 6le20
Bravo Gérard pour ce reportage in live !

Je suis surpris que la larve de l'hyménoptère soit considérée comme parasitoïde.
Pour moi, depuis que j'ai lu Fabre (et les confirmations de ses observations réalisées par les élèves de Grasset), l'adulte pique les centres nerveux de la chenille pour la paralyser puis la transporte dans le nid, ou la loge du nid, où elle a pondu un œuf. Une fois née, la larve commence à se nourrir de la chenille en prenant soin de la laisser vivante jusqu'au bout de sa dégustation. Du coup pour moi, la relation entre les deux est une simple relation proie/carnivore, n'ayant de singulier que ce macabre détail de la mortalité différée jusqu'à la fin du repas...

Au fond cela ressemble au destin du poisson avalé vif par un Cormoran, les prolongations en plus...

Re: Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 17 déc. 2016 15:09
par Gérard-Breton
Bonjour Sylvain, Daniel, tous,

Sylvain, je pense que tu n'as pas tort de citer Fabre à l'appui de ton interprétation du rapport larve de guêpe - chenille comme un rapport de prédation. Mais je pense également ne pas avoir tort de parler de parasitoïde. Ce n'est pas contradictoire. En effet, la nature ne connaît point de telles limites, c'est l'homme, avec son souci de tout classifier et de tout nommer qui trace ses limites ! (et en plus, si j'étais méchant, je dirais qu'il croit que nommer = comprendre ! mais je ne suis pas méchant, tout juste ironique). Le tout est souvent de savoir où on place le curseur.
Et pour le parasitisme, il a bien fallu poser une limite entre prédation et parasitisme. On a choisi prédation = relation courte, brève, éventuellement renouvelable et parasitisme : relation longue à l'issue de laquelle la proie ne meurt pas (parasite) ou bien meurt (parasitoïde). Voici les définitions que j'ai appliquées dans cette observation. L'essentiel n'est pas le nom de la relation, mais sa description aussi exacte et précise que possible au cas par cas, car, je me répète, la nature ne connaît point de limites !

Et en conclusion, Fabre est un excellent auteur !

Cordialement

Gérard Breton

Re: Vol sur un nid de Delta unguiculatum

Posté : 17 déc. 2016 15:51
par 6le20
Tu as raison Gérard, non seulement sur ta conclusion, mais aussi sur le fait que c'est une question de curseur.

Les parasites ne tuent pas leur hôtes car c'est une question de survie pour eux-même, même s'il n'est pas rare de voir des individus déjà affaiblis mourir par des des pullulations qui contribuent à les achever.
Par contre les parasitoïdes se nourrissent de l'hôte jusqu'au bout.

La vache se nourrit au dépend des herbes sans les tuer, les moutons vont jusqu'à arracher les racines en cas de besoin.
Herbivore "parasite" d'un coté, herbivore "'parasitoïde" de l'autre... ;)