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Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 18 sept. 2011 16:18
par Christian
Bonjour Pascal,
Pourrais-tu développer un peu plus ? :grat:

Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 18 sept. 2011 16:35
par Daniel
Si je peux me permettre d'anticiper sur sa réponse, Pascal nous rappelle juste qu'une photo n'est pas la réalité et qu'elle ne permet pas comme un échantillon de faire des observations qui peuvent s'avèrer nécessaires à postériori.

Pour illustrer cela je prendrais comme exemple l'image Google earth que tu nous a montré il y a peu dans le post GPS: On ne peux pas y compter les étages des batiments!

Or un botaniste peut avoir besoin de savoir s'il y a des poils dessous les feuilles de l'épervière récoltée ou de compter les cellules de l'anneau mécanique des sporanges de la fougère observée...

Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 18 sept. 2011 16:42
par Christian
C'est plus ou moins ce que j'ai compris *, mais j'aurais préféré un texte, plus clair pour tous.
Et puisque je t'ai au bout du fil :D Que penses-tu de la perte de mémoire de notre société ?

* sauf les étages d'immeubles, qui ici n'ont rien à voir ... à moins d'imager sérieusement ... ! ;)

Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 18 sept. 2011 17:26
par Gerard78
Bonjour tous, Daniel (re.. ;) ), Christian,
@Daniel: je "plussoie" comme dit Fred: c'est aussi l'intérêt de la chambre claire que de permettre une mise en évidence de détails mal visibles autrement...
@Christian: Oh que oui! A croire même que c'est un phénomène "voulu": si plus de mémoire "sociale", l'individu est de fait décérébré, et n'a plus moyen de comparer, donc de contester! Il y aurait long à écrire sur le sujet, et à pleurer sur la mise en veilleuse de l'histoire par exemple dans la formation des têtes blondes... Un humain sans connaissance de son passé, et de celui de l'humanité toute entière, est à coup sur une victime toute trouvée pour les charlatanismes, les idéologies vaseuses, parce que cela fera de lui un gobeur d'idées toutes faites, un résigné...
Je ne m'habitue pas aux résignés!
Plus prosaïquement, le MNHN est en train de numériser son herbier, gigantesque... Ca fiche un souk pas possible (c'est sous-traité, bonjour d'ailleurs les dégâts éventuels sur des spécimens rarissimes...), entraine une impossiblité d'accès actuellement aux collections (sauf aux types, et sous conditions...), et tout le monde craint pour la durabilité des images: le stockage est peut-être garanti, mais dans la limite de nos connaissances sur la durabilité des supports numériques, c'est à dire actuellement encore peu de choses...
Et qui dit que le scan de spécimens sera fait correctement, sous toutes les coutures (nécessaires à toute comparaison ultérieure)? Et les inscriptions qui figurent sur certaines planches, comment seront elles codées pour recherche?
Bref, il faut sans doute passer par les fourches caudines des modes (la numérisation, même si bien pratique, en est quand même une... et qui doit rapporter quelques zeuros aux détenteurs des machines!), mais garder à l'esprit la richesse du document originel.
Je possède des milliers de papiers scientifiques en pdf, qui me sont fichtrement utiles, mais c'est une simple facilité. La sensualité du bouquin qui a vécu n'est pas numérisable... ;)
Bonne fin de journée!

Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 18 sept. 2011 17:57
par Daniel
Christian,
Je n'ai pas assez développé mon analogie:
je voulais juste dire qu'une vue verticale ne permet pas de se rendre compte de la profondeur...
Que penses-tu de la perte de mémoire de notre société ?
Cela mériterait largement un autre fil! Et je n'ai guère le temps de développer car il me faut me remettre au travail.
Gérard a déja réagi en acquiesçant.
Peut être parce que je crois plus au progrès que vous deux, je ne pense pas qu'il y ait perte de mémoire. Au contraire, les archives numériques permettent un stockage bien plus vaste.
Mais il se trouve que je reviens à l'instant d'une visite aux archives départementales de Privas et j'y ai constaté que les archives papier sont quand mème avec les images sur plaques ou film des ressources fantastiques.

Par contre, il y a peut être plus de risque avec nos nouvelles archives de réécriture de l'histoire car la technique numérique permet de falsifier plus facilement des documents.

Plus insidieusement, il y a peut être effectivement une "perte de mémoire", mais au niveau des valeurs: Une addiction à un progrès surestimé fait oublier l'importance des archives et de la mémoire du passé. Elle fait dire à certains: les vieux papiers, les objets de musée sont inutiles et bons à détruire...
Gérard a raison de dire que "la mise en veilleuse de l'histoire" est dangereuse!

Je comprends les craintes des chercheurs, mais j'ai un avis aussi modéré sur la numérisation des herbiers du muséum:
Cela peut faciliter leur consultation à distance et leur mise à disposition des chercheurs éloignés et du grand public.
D'un autre coté, Pascal a montré que rien ne remplace le spécimen réel...
Mais l'idéal pour moi est la conservation simultanée des objets et de leurs images.

Pour terminer, il faut défendre les herbiers (comme les objets de musée) en tant que témoignages du passé.
Mais je pense que ce sont aussi des outils d'actualités: ils permettent aux biologistes actuels de poursuivre l'inventaire de la biodiversité par la comparaison d'échantillons réels.
Et il vaut mieux mettre cet aspect des herbiers en avant, plutot que leur coté parfois esthètique et évocateur des naturalistes qui nous ont précédé.
(mème si comme je l'ai écrit, je suis également sensible à cet aspect de mémoire. Comme gérard, j'apprécie les pdf. Mais je suis aussi heureux de trouver chez un bouqiniste un livre et de découvrir la signature ou les notes de propriétaires précédants...)

Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 18 sept. 2011 18:38
par Christian
Daniel a écrit :Christian,
Je n'ai pas assez développé mon analogie:
je voulais juste dire qu'une vue verticale ne permet pas de se rendre compte de la profondeur...
J'aime et je comprends beaucoup plus facilement cette version !
C'est amusant car une seule phrase suffit ! (pas besoin de 3D virtuelle ici)
Encore une fois, et j'aime beaucoup, nous confrontons nos avis (un petit peu différents) sur les applications technologiques.
Je suis bien évidement pour les progrès, mais pas LE progrès tel que l'on veut bien me mettre dans ma tête et celle de mes enfants, c'est de la poudre aux yeux !
Restons critiques et battons nous pour une meilleure société, sans perte de mémoire, Il n'a jamais été aussi facile de réécrire notre passé !
(je m'abstiendrai, du moins pour l'instant, d'exemples concrets ...)

Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 19 sept. 2011 10:55
par Fredlab
Hello

Juste mon grain de sel dans cette discussion intéressante.
De prime abord, je ne suis pas fan des herbiers... comme les collections d'insectes, les bestioles naturalisées (les zoos aussi...), ça sent la mort.
J'aurais tendance à préférer une photo, bien prise, avec une bonne lumière, un bon cadrage... mais souvent, les photos qui me plaisent, qui auraient une valeur artistique, ont aucune valeur scientifique ou naturaliste. Les critères de détermination sont absents.
J'ajouterai en paradoxe que pour faire certaines images, par fautes de moyens (ou de rareté des sujets... qui peut se targuer d'avoir vu un Tigre, en vrai, dans sa jungle), on va dans un zoo ou on sacrifie le sujet (avec mes séances de stacking, j'en suis encore là... je cherche d'autres solutions et j'évite de tuer tout ce qui passe à ma proximité).
Ces images ne sont pas durables. Au temps de l'argentique, on avait quelques espoirs que les négatifs et les diapositives se conservent. Depuis 25 ans que je fais de la photo, si je m'y retrouve dans mes archivages (assez primaires), je pense que mes diapos sont encore regardables. Il semblerait que l'argentique ait une durée de conservation de plusieurs dizaines d'années. Les techniques mises en oeuvre - de la chimie, un peu d'optique - sont aussi durables, même si de moins en moins de labos "grand public" sont capables de traiter un négatif. Enfin, le temps de la chambre 4x5 ou de l'agrandisseur n'est pas encore révolu.
Pour ce qui est du numérique, il semblerait que les supports ne soient pas aussi fiables qu'un film. Au-delà de la labilité, il y a aussi la persistance des formats - qui peut encore lire des disquettes ? et la performance des appareils numériques il y encore quelques années - qui peut lire une disquette sortant d'un Mavica ne peut que pleurer sur la pauvreté de l'image obtenue... ça n'est pas avec ça que l'on va faire de la détermination de plante ou de bestiole.
Une planche dessinée, surtout par des artistes naturalistes (et Christian a raison, il y a sur ce forum des artistes de ce genre), permet d'avoir tout... la plante dans son entier (on pourrait même ajouter, dans son milieu - je pense que vous connaissez les guides nature dessinés par Vaucoulon), les détails qui vont bien... le tout disposé avec un certain sens artistique. Quand je trouve ce genre de planche encadrée, en déco, j'apprécie toujours. Il n'empêche, on n'a pas le réel et pour le biologiste de maintenant, je dirais que ça manque d'ADN.
L'herbier, quand il est fait par un vrai amateur ou un pro, va présenter de nombreux avantages. Il sera durable, autant qu'une planche, sans doute plus qu'un tirage photo (je ne parle pas d'impression... les encres de nos imprimantes, pas sûr qu'elles durent des années). Il peut être artistique et scientifique. On n'a pas les détails, mais il suffit d'une loupe, d'avoir l'habitude d'interpréter du desséché, pour qu'on puisse travailler. Par ailleurs, on peut accéder à l'ADN de la plante et de nos jours, c'est précieux.
C'est un mode de conservation qui dénature la plante, mais quand c'est bien fait, ça reste acceptable.
Il existe aussi de nos jours d'autres modes de conservation, qui impliquent une consommation d'énergie, c'est la congélation/cryogénisation... mais les sujets conservés dans de telles conditions ne sont pas accessibles au grand public... nous sommes loin du zoo, du musée (enfin, les herbiers historiques ne sont pas plus accessibles)

Bref, je dirais "pluralité".
Je ne fais pas d'herbier, je ne fais pas de collection d'insectes (ça me fait encore plus frémir)
J'essaye de faire au mieux quelques photos, malheureusement peu utiles pour un naturaliste classificateur... mais je n'ai pas l'ambition de laisser une trace. Je ne suis pas Buffon, Audubon ni Lamarck ou Linné. Mes images mourront avec moi.
Je ne courre pas les musées, mais quand je le fais, il m'arrive d'apprécier certaines choses... qui sont pourtant mortes depuis des lustres... mais quand c'est bien fait...

Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 19 sept. 2011 11:10
par PierreH
Bonjour,

j'aime les anciennes méthodes mais suis complètement à la page des nouvelles :
j'apprécie beaucoup les livres (y compris les vieux) mais l'informatique est incomparable pour faire des recherches.
Quand à la question de la perrénité des données numériques, je pense que cela se gère :
- toujours copier les données sur un support plus récent (tout en archivant l'ancien support)
- toujours conserver plusieurs copies des données, idéalement à plusieurs endroits : mes photos sont dans mon PC et intégralement au format originale sur Picasa web (donc, dans le "nuage"), mes fichiers critiques sont synchronisés entre tous mes PC et le "nuage" via Dropbox. Ma documentation numérique est automatiquement (Syncback) synchronisée entre plusieurs PC (la mettre dans le "nuage" est trop couteux)
- toujours utiliser des formats les plus ouverts possibles (et favoriser les logiciels libres) et veiller lors de chaque changement de logiciel à la bonne compatibilité : ainsi je peux toujours lire mon rapport de stage vieux de 20 ans
- la question de la sécurité de ses données personnelles sur internet se gère aussi : je diffuse l'intégralité de mon CV (sur Viadeo et mon site perso) par choix mais je ne suis pas sur Facebook en train de raconter des bêtises ni de diffuser des photos privées.

Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 19 sept. 2011 17:27
par Daniel
Bonjour,
quelques réactions aux 2 dernières interventions:
Ces images ne sont pas durables.
Certes, je citerais Ronsard qui nous l'a appris avant que ces images aient existé:
"Ô Dieux, que véritable est la Philosophie, Qui dit que toute chose à la fin perira,"
et en mème temps, j'aimerais faire durer un peu les objets, comme la vie!
des autochromes du siècle dernier sont bien conservés. Si des ektas mal développés et vendus aux établissements scolaires sont magentas 20 ans après, on peut espèrer une bonne conservation sur un siècle de kodachromes.
il semblerait que les supports ne soient pas aussi fiables qu'un film. Au-delà de la labilité, il y a aussi la persistance des formats - qui peut encore lire des disquettes ?
oui, un CD tiendra surement moins longtemps qu'un film, mais il sera duplicable à l'identique et ses images peuvent espèrer une vie "éternelle" si quelqu'un veut bien s'en occuper.
Je peux lire encore des disquettes 3,5pouces (et mème je suis équipé pour des 5p1/4 mais la je n'ai pas fait de test récemment!)
Aux archives de Privas, le choix a été fait de numériser les documents pour en faciliter l'accès et de réaliser des microfilms en parallèle pour une conservation à plus long terme. C'est le cout de la main d'oeuvre pour renouveller les données numériques qui a fait adopter cette solution.
Pour un volume d'archives moindre, il n'est pas question de sauvegarder sur papier. Par exemple la base de donnée du conservatoire botanique du massif central est entièrement numérique: Elle est sur 3 disques durs qui tournent sur 3 semaines, 2 fonctionnant pendant que le 3e est dans le coffre d'une banque!
Donc pour moi, les images argentiques ou numériques peuvent durer, comme Pierre, je pense:
Quand à la question de la perrénité des données numériques, je pense que cela se gère
A l'opposé, un herbier laissé à l'abandon sera dévoré par les psoques et disparaitra en quelques années alors que bien conservé, il peut durer des siècles.
Dans tout les cas, c'est le travail de l'archiviste ou du conservateur documentaliste qui fera durer ces objets tout en les mettant à disposition.

Comme je l'ai déja écrit, pour moi, l'avantage de l'herbier n'est pas sa durabilité (mème si elle est plus forte que celle des images) mais sa "réalité". Certes les plantes sont mortes et perdent certaines caractéristiques, mais les images ne sont qu'une transposition encore plus appauvrie par certains cotés de la réalité.

Re: De l'esthétisme et de l'utilité des herbiers ...

Posté : 20 sept. 2011 15:10
par Christian
Bonjour à tous, vite fait j'ai pas trop le temps :
Lorsque je pensais à "une perte de mémoire" ce n'était pas tant au support numérique en tant que tel que je pensais (quoi qu'il y aurait beaucoup à dire) mais aux effacements, voir dérives, voulu ou non voulu.
Je vous laisse réfléchir …