Le Naturaliste

Bonsoir

Christian a écrit :Bonjour,
Vous avez peut-être déjà lu "l'info du jour" ? Pour nous ce sera notre "pause café" de la soirée !
(on est pas loin du film "L'aile ou la cuisse" ! )

Lu dans le quotidien gratuit "20 minutes", Genève 21.02.2012

Voir aussi : Lemonde.fr http://www.lemonde.fr/planete/article/2 ... _3244.html

L'utilisation de cellules souches est une une voie nouvelle, avant il y avait eu des tentatives d'utiliser des microorganismes pour produire des protéines (bactéries, moisissures, microalgues...)

A supposer qu'aucune contrainte ne s'oppose à leur croissance (quantités suffisantes d'oxygène, de nutriments et d'espace), une tonne de bactéries placées dans un fermenteur produirait en 24 heures des milliards de tonnes de protéines !

De quoi alimenter l'enthousiasme de René Dumont et Joël de Rosney pour les SCP (Single Cell Protein).

Dans ma jeunesse il avait été été largement question dans la presse du steak de pétrole qui devait régler le problème de la faim dans le monde, rapporter d'énormes dividendes aux pétroliers, assurer une indépendance par rapport aux producteurs de soja...
Au tout début des années 60, un chercheur du CNRS (organisme public, soit dit en passant) avait découvert que des levures proches des levures de boulangerie pouvaient se développer à partir de paraffines.
La Société française des pétroles BP développa le procédé pour déparaffiner du gazole tout en produisant des levures destinées à l'alimentation animale et humaine.
BP avait déjà une unité en Écosse utilisant des alcanes (4 000 T/an). Une usine construite en France à Cap Lavéra réalisa 16 000 T/an de "POUP" (Protéines Unicellulaires d'Origine Pétrolière) sous le nom de Toprina.
Cette unité fut modifiée pour utiliser comme source des alcanes (30 000 T/an)

Deux autres usines devaient être construites en Italie, chacune pour un production de 100 000 tonnes.
En 1976, BP ferma l'usine de Cap Lavéra et les usines italiennes ne furent jamais terminées.

L'augmentation du prix du pétrole, baisse relative du soja, refus du public, réticence de certains gouvernements en raison de risques cancérigènes...
mais peut-être aussi aussi la politique et le profit, les inquiétudes des producteurs de soja et une menace sur l'impérialisme américain???

D'autres sociétés pétrolières tentent la fabrication de protéines d'organismes unicellulaires à partir de différentes sources de carbone (méthane, méthanol, éthanol, lignocellulose) mais toutes ces réussites techniques sont des échecs commerciaux.
En 1990, l'ex-URSS produisait environ 1,6 millions de T de SCP. Les techniques sont donc au point et il n'est pas exclus qu'on puisse y revenir.

Voir
Chimie organique industrielle. 3ème édition / Hans-Jürgen Arpe , Klaus Weissermel, Editions De Boeck (2000), 453 pages
La nourriture des Français - De la maîtrise du feu… aux années 2030 / Pierre Feillet, préface Axel Kahn. Éditions Quae, Cemagref, Cirad, Ifremer, Inra (juillet 2007), 646 pages
Le "Steak de Pétrole" / Paul Lombard http://paul-lombard.com/savoir_plus_art ... es-37.html
La crise de la vache folle : Causes profondes et solution durable / Robert Giry http://www.eutraco.com/sa/vache1.html

Amicalement

Pierre M.

Merci Pierre pour cet historique très intéressant de la protéine artificielle.
Merci aussi pour les liens.

Oui je me rappel parfaitement, très jeune aussi à cette époque, de ces fumeux "steak de pétrole" !
Il y avait eu un intérêt du public (car très friand des exploits scientifiques et sensibilisé par la faim dans le monde) mais parallèlement une moquerie assez généralisée chez les gastronomes ...
D'ailleurs le film L'aile ou la cuisse que je citais plus haut date de cette (fin de) période il me semble (1976)

Je m'en rappel très bien aussi car le père d'un bon copain était cadre chez Esso et n'arrêtait pas de nous vanter les mérites des progrès pétrolifères !
Comme jeunes à cette époque toutes ces "avancées" nous semblaient possibles rapidement, y compris de voir les premiers hommes sur Mars bien avant le fameux An 2000 !
(par contre, Internet, ça nous ne pouvions l'imaginer ! Et dans un autre registre les problèmes de pertes massives de biodiversité non plus ...)

Encore une fois je salue l'exploit technique de ce steak in vitro, mais doute d'une part de la qualité gustative de ces produits [*], d'autre part (en cas de réussite) des monopoles inévitables si nous ne changeons pas notre manière de fonctionner. "Régler la faim dans le monde", dans ces conditions, c'est un argument "bout de bois" de plus.
Par ailleurs, et c'est pas la plus petite partie, il reste quand même passablement de problèmes éthiques à régler sur l'industrialisation des cellules souches (ici animales) ...

[*] Pour les curieux, un steak haché "prototype" couterait env. 250'000 euros, qui se branche avec le prof pour gouter ?