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La conjugaison des desmidiées

Posté : 09 mars 2025 02:00
par YVES50
Bonsoir ou bonjour,

La Nuit étant propice aux bonnes songeries, je vous livre, chers amis naturalistes, ces quelques réflexions et interrogations.

Chez les Zygnematophytes (les Desmidiées en font partie), les cellules végétatives sont haploïdes (N chromosomes) et peuvent se transformer en gamétocystes produisant un gamète amiboïde. Les gamètes mâles et femelles haploïdes sont semblables pour leur morphologie (isogamie). A la conjugaison, il y a fusion des matériels nucléaires. Il en résulte un œuf diploïde, un zygote appelé zygospore chez ces algues (élément de résistance et de dissémination, paroi épaisse et souvent avec des dispositifs d’accrochage… rôle des oiseaux migrateurs dans le cosmopolitisme de beaucoup de ces algues, etc…)

Les zygospores germent après une méiose précoce en donnant 4 spores haploïdes. Suivant les genres de desmidiées, 2 ou 3 peuvent avorter. La germination produit de nouveaux thalles végétatifs haploïdes avec un nouvel équipement génétique mixé. Jusqu'ici, c'est limpide. :) et conforme aux cours magistraux.

Note : Dans la suite du texte on écrira « cellules A & B » plutôt que « mâle et femelle » ce qui est un choix raisonnable.

Questions :

Lors de la conjugaison dans le milieu naturel, plusieurs cas pourraient se produire entre deux cellules en conjugaison :

1°) A s’apparie avec A : la fusion produira-t-elle une zygospore diploïde fertile et capable de germer ?

2°) A s’apparie sommairement avec A mais il y a peut-être un mécanisme qui ne permet pas la fusion du matériel nucléaire des deux gamètes (interdiction lors de la caryogamie) ou bien le contact des deux algues initie des échanges d’informations bloquant l’appariement (je pense aux extrusions cytoplasmiques à travers les pores de la paroi qui pourraient porter des messages de non conformité ???)... :grat:

3°) A rencontre et s'associe à B : là, si j’ose dire « ça baigne dans l’eau » donc zygospore fertile et le cycle se poursuit. Ouf, la « nature » et la « bonne morale » :mrgreen: sont saufs et le cycle se poursuit !

Je n’ai pas trouvé de bonne documentation pour y répondre. J’ai cherché dans les flores mais « chou blanc » Qui pourrait nous en dire plus sur ce sujet ? Peut-être ai-je mal cherché en posant les questions.

N.B. Les insignifiantes IA consultées furent inadéquates pour répondre, je n’en attendais guère plus de ces entités commerciales.

PS. J’avais lu quelque part que certaines desmidiées avaient un gros stock chromosomique mais je n’ai pas retrouvé l’info. Dans le lot, y-aurait-il des hétérochromosomes pour sexuer ces algues ?

Toute documentation, remarque ou hypothèse serait la bienvenue. Merci par avance.

Re: La conjugaison des desmidiées

Posté : 09 mars 2025 07:32
par André
Bonjour Yves

Belle et dure réflexion nocturne !!
Simplement pour répondre à la question sur les desmidiés à gros stock de chromosomes, j'avais lu cela dans le guide des algues de Melkonian & Berg : il s'agit de Netrium digitus avec ses 592 chromosomes.

PS: Bruno de Reviers, Bioloie et phylogénie des algues développe la conjugaison de Spirogyra, mais rien sur les desmidiés !

Re: La conjugaison des desmidiées

Posté : 10 mars 2025 12:07
par frog
Bonjour,
J'ai trouvé ça, avec 'gonosome closterium' comme critères de recherche :
https://nph.onlinelibrary.wiley.com/doi ... /nph.15334
Je te laisse le soin de continuer avec les autres genres. ;)
J'ai par la même occasion constaté que les génomes des desmidiées est un domaine de recherche dans lequel beaucoup reste à faire.
Bonne lecture :ugeek: :grat:
Frédéric

Re: La conjugaison des desmidiées

Posté : 10 mars 2025 17:14
par YVES50
Bonjour Frédéric, André & al. :)
Merci Frédéric, j'ai copié le sujet pour le lire plus facilement. Je pense que les grandes lignes pour ces Closterium seront valables itou pour d'autres genres.
J'en ferais un 'digest' qui je l'espère sera digeste
:geek:

Re: La conjugaison des desmidiées

Posté : 10 mars 2025 20:00
par YVES50
Bonsoir,
Une première lecture de cet article de 2019 et avant un résumé moins ésotérique... C'est difficile pour un quidam qui a fait ses études dans les années 70 - 80...(même si l'on se tient au courant) mais bon, on s'habitue vite à la novlangue technogénétique. :D

Surprise, les deux auteures de la publication travaillent dans une faculté des Sciences de Tokyo (la surprise n'est pas là) de la Japan Women's University à Tokyo... autres lieux, autres mondes. Là est la surprise ! Trump n'y a pas encore songé, cela viendra, sauf s'il ferme toutes ses universités.. :mrgreen:
J'ai regardé : il y a de nombreuses universités féminines au 'Pays du Soleil Levant', la plupart privées, certaines sous contrat d’État (id. en France, certes, mais sans discrimination sexuelle institutionnelle jusqu'à présent)

Un plus : pour les puristes, l'article est en téléchargement total et en pdf. Cela s'appelle du bon partage d'informations :prost: .

Re: La conjugaison des desmidiées

Posté : 11 mars 2025 19:32
par YVES50
Résumé de lecture
D’après la publication de TSUCHIKANE & SEKIMOTO, 2019

Les plantes terrestres ont pu évoluer à partir d'ancêtres algaux charophytes, les zygnématophycées (avec le genre Closterium, le plus caractérisé en ce sens) et constituent le clade le plus étroitement lié aux premières plantes terrestres.

Chez ces algues, la reproduction sexuée est souvent observée dans des conditions de stress, notamment en cas de sécheresse ou de pénurie d'azote. Les zygospores matures sont dormantes et résistent à la déshydratation Par la réhydratation notamment, la division cellulaire méiotique se produit et les progénitures mt+ et mt- proviennent à parts égales d'une zygospore. Notons encore que la méiose se produit pendant la germination.


Il existe 3 modes de formation des zygospores :

1°) - l'hétérothallisme (autostérile) : les zygospores sont formées entre différents clones nommés mt+ & mt- (les deux sexes complémentaires).
Les cellules appariées libèrent leurs protoplastes gamétiques qui fusionnent immédiatement pour former une zygospore. Les cellules mt+ et mt- se reconnaissent mutuellement par communication chimique grâce à des phéromones sexuelles : la protéine induisant la libération des protoplastes (PR-IP Inducer) et la (PR-IP). (La PR-IP Inducer) est une glycoprotéine libérée par les cellules mt- : elle induit à la fois la division cellulaire sexuelle et la production de (PR-IP) dans les cellules mt+. Cette (PR-IP) est également une glycoprotéine libérée par les cellules mt+ : elle induit à la fois la division cellulaire sexuelle et la libération des protoplastes gamétiques des cellules mt-. Les ADNc codant pour les phéromones respectives ont été clonés. Il s’agit donc d’un double message croisé entre les protoplastes des 2 gamétocystes.

2°) - l'homothallisme (autofertile)
La première étape du processus est une mitose formant 2 gamétocystes ‘frères’ à partir d’une seule cellule végétative. Ils forment une paire sexuelle et se reconnaissent mutuellement (modalité également observée chez Penium margaritaceum).

3°) - Parthénogénèse
Dans les populations naturelles de Closterium, il peut exister une sporulation par parthénogenèse : des parthénospores sont alors formées sans conjugaison.

Ces 3 processus varient suivant les espèces (ou les complexes d’espèces) du genre Closterium, en relation sans doute avec leur phylogénie respective.

Il n'est pas clair (2019) si l'homothallisme ou l'hétérothallisme représente la stratégie de reproduction ancestrale Pour clarifier cette question, il convient d'étudier la relation phylogénétique entre les souches homothalliques et hétérothalliques.


Ce schéma résume bien ces 3 modalités :
Reproduction Closterium.jpg
Reproduction Closterium.jpg (169.31 Kio) Vu 67966 fois
ps. je ne connais pas la signification des lettres 'mt' :?
[/color]

Re: La conjugaison des desmidiées

Posté : 12 mars 2025 17:52
par frog
Bonjour,
Merci Yves pour le résumé.
A mon avis, mt signifie mating type.
Un point important : (si j'ai bien compris) les lignées des closterium étudiées sont soit hétérothalliques, soit homothalliques, les individus naissent comme ça.

Re: Le sexe des desmidiées

Posté : 12 mars 2025 19:30
par YVES50
Bonsoir Frédéric,
Merci pour mating type : c'est utilisé pour les mycètes par exemple, en remplacement de 'sexe' qui ne sied pas trop bien.
Pour ta question: oui, après la méiose les nouveaux thalles sont déterminés + ou - pour l'hétérothallisme. Pour l'homothallisme, je pense (pas sûr) que la conjugaison ne produit que des algues homothalliques (???)

ps. j'ai lu également que chez C. ehrenbergii, il a été noté des 'papilles' intercellulaires à la conjugaison. Cela me fait penser aux extrusions cytoplasmiques (au travers de la paroi) que nous avons observées (sur LN et même AlgaeBase) à plusieurs reprises chez des Cosmarium...C'est étonnant quand même.

ps2. les auteures japonaises ont pris des Closterium comme modèle de travail. Je pense que leurs résultats peuvent s'appliquer, dans les grandes lignes, à d'autres desmidiées comme les Cosmarium (bien qu'il s'agisse à l'évidence d'un autre clade...

Re: La conjugaison des desmidiées

Posté : 18 mars 2025 16:45
par YVES50
Bonjour à tous et toutes :)
Un complément tardif mais quand même utile.
Je viens de réaliser que, même dans la conjugaison homothallique, il y a des recombinaisons génétiques grâce aux crossing-over entre les chromosomes lors de la méiose, au début de la germination des zygospores.
Ce brassage semblerait moins important que dans le cas de la conjugaison hétérothallique mais il n'en demeure pas moins qu'il existe alors !

Re: La conjugaison des desmidiées

Posté : 20 mars 2025 12:59
par YVES50
Benladidon, plus de 3000 vues ! Quel engouement pour nos desmides !
Vu le titre, je subodore que ce n'est pas seulement une sympathie envers mt+ et mt- :mrgreen: :mrgreen:
Quand même ! Que de déceptions sans doute... :grim:
C'est point grave, les quidams malintentionnés auront au moins appris quelque chose, ceux qui savent lire à tout le moins.